Participation des sportifs russes et biélorusses aux compétitions internationales : le grand imbroglio
1. Ce que dit le Comité international olympique (CIO)
2. Ce que disent les Fédérations sportives internationales et françaises
3. La position du gouvernement et des sportifs ukrainiens
Pour conclure, notre position
Position du Comité international olympique (CIO)
Fin février 2022, le CIO avait recommandé l’exclusion de tous les sportifs russes et biélorusses de toutes les compétitions internationales. Presque toutes les fédérations sportives avaient suivi le CIO (parmi les exceptions notables, la boxe, dirigée par un oligarque russe, et déjà dans le viseur du CIO pour cause de corruption, ainsi que le tennis).
Suite à des mois de préparation de l’opinion publique, le CIO a publié le 28 mars dernier de nouvelles recommandations aux fédérations sportives internationales :
Les athlètes possédant un passeport russe ou biélorusse ne peuvent concourir qu'en tant qu'athlètes individuels neutres.
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La participation d'équipes dont les athlètes sont munis d'un passeport russe ou biélorusse ne peut être envisagée.
Les athlètes qui soutiennent activement la guerre ne peuvent pas concourir. Le personnel d'encadrement qui soutient activement la guerre ne peut pas être inscrit aux compétitions.
Les athlètes qui sont sous contrat avec l'armée russe ou biélorusse ou avec des agences de sécurité nationales ne peuvent pas concourir. Le personnel d'encadrement qui est sous contrat avec l'armée russe ou bélarussienne ou avec des agences de sécurité nationales ne peut pas être inscrit aux compétitions.
Tous les athlètes individuels neutres, à l'instar des autres concurrents en lice, doivent satisfaire à toutes les exigences en matière de lutte contre le dopage qui leur sont applicables et, plus particulièrement, à celles énoncées dans les règles antidopage des FI.
Les sanctions prises à l'encontre de ceux qui sont responsables de la guerre – les États et gouvernements russes et bélarussiens – doivent rester en place :
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Aucune manifestation sportive internationale ne doit être organisée ni soutenue par une FI ou un CNO en Russie ou au Bélarus.
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Aucun drapeau, aucun hymne, aucune couleur ni aucune autre identification de quelque nature que ce soit de ces pays ne doivent être présents lors de rencontres ou de manifestations sportives, y compris sur le site même de ces événements.
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Aucun(e) représentant(e) des gouvernements ou des États russes et bélarussiens ne peut être invité(e) ni accrédité(e) à une rencontre ou une manifestation sportive internationale.
Le 26 juillet, un an avant ouverture des JO, lors du traditionnel envoi par le CIO des invitations aux Comités olympiques nationaux, les Comités russe et biélorusse ne sont pas inclus. Mais le CIO se refuse toujours à prendre décision définitive quant à la participation des sportifs russes et biélorusses aux JO, en la repoussant « à une date appropriée, à sa seule discrétion, et sans être lié par les résultats des épreuves qualificatives précédentes ».
2. Positions des Fédérations internationales sur la participation des athlètes russes et biélorusses aux compétitions et aux JO de 2024
Au niveau international, une douzaine ont choisi de suivre les recommandations du CIO, dont escrime, judo (mais en trichant aux Mondiaux de Doha, en mai), taekwondo, haltérophilie, ping-pong, tir à l’arc, escalade, canoë-kayak, aviron, cyclisme, et plus récemment gymnastique (le 19/7) et badminton (le 30/08, pour mise en oeuvre à partir du 26/02/24).
Le 4/09, World Aquatics, la Fédération internationale de natation, a autorisé à son tour la participation des Russes et Biélorusses aux compétitions qu’elle organise, mais à des conditions plus strictes que celles du CIO. S’y ajoutent :
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La limitation à un seul participant par épreuve
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L’interdiction pour les athlètes ET leur entourage de parler aux médias pendant toute la compétition (ni interview, ni participation aux conférences de presse, ni même présence en zone mixte, où se trouvent les journalistes)
World Aquatics explicite aussi davantage certaines conditions du CIO :
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non seulement pas de sports collectifs (natation artistique, water-polo et plongeon synchronisé, qui relèvent aussi de cette Fédération, sont donc totalement interdits aux Russes et Biélorusses), mais pas d’épreuves de natation en relais ;
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l’exigence d’absence de soutien à la guerre en Ukraine vise « en particulier les déclarations publiques, dont celles sur les réseaux sociaux, et la participation à des manifestations ou événements en soutien à la guerre ».
Athlétisme et équitation continuent à exclure toute participation de Russes ou Biélorusses.
En France, au moins le badminton et la natation (qui ont répondu à notre courrier), ainsi que l’escrime, ont été pour l’exclusion. La natation a sans doute rejoint la nouvelle position de World Aquatics, qui a été votée à l’unanimité de son bureau.
Le tableau ci-dessous récapitule de manière simplifiée les positions officielles concernant la participation des athlètes russes et biélorusses à des compétitions internationales au 18/01/2024.
Pour un tableau détaillé, consulter le document suivant
SPORT | POSITIONS | Date | FEDERATIONS |
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Athlétisme | Exclusion avec commission chargée de considérer conditions & critères | 08/12/2023 | World Athletics |
Aviron | Bannière neutre | 07/06/2023 | World Rowing |
Badminton | Bannière neutre | 29/08/2023 | BWF |
Basketball | Position d’attente | 27/11/2023 | FIBA |
Boxe | Autorisation sous drapeau russe ou biélorusse | 05/10/2022 | IBA |
Canoë-Kayak | Barrière neutre mais critères de sécurité | 02/09/2023 | ICF |
Cyclisme | Bannière neutre | 03/05/2023 | UCI |
Danse sportive | Bannière neutre | 08/06/2023 | World Dance Sport |
Escalade | Bannière neutre | 12/06/2023 | IFSC |
Escrime | Bannière neutre | 10/03/2023 | FIE |
Football | Bannière neutre - moins de 17 ans | 04/10/2023 | FIFA |
Golf | Bannière neutre | 04/05/2023 | IGF |
Gymnastique | Bannière neutre; Suspension ou exclusion - European Gymnastics | 19/07/2023 | FIG |
Haltérophilie | Commission d'examen des demandes d’exception | 08/08/2023 | IWF |
Handball | Position d’attente | IHF | |
Hockey sur gazon | Suspension ou exclusion | 23/03/2023 | FIH |
Judo | Bannière neutre | 29/04/2023 | IJF |
Lutte | Bannière neutre | 08/12/2023 | UWW |
Natation | Bannière neutre | 04/09/2023 | World Aquatics |
Pentathlon moderne | Bannière neutre | 20/04/2023 | UIPM |
Rugby à sept | Position d’attente | World Rugby | |
Skateboarding et Roller | Bannière neutre | 14/09/2023 | World Skate |
Sport équestres | Bannière neutre | 21/12/2023 | FEI |
Surf | Suspension ou exclusion pour les équipes | 14/04/2023 | ISA |
Taekwondo | Bannière neutre | 03/04/2023 | ITF |
Tennis | Bannière neutre | 30/03/2023 | ITF |
Tennis de table | Suspension ou exclusion; bannière neutre All England Club | 01/03/2023 | ITTF |
Tir | Bannière neutre | 24/04/2023 | ISSF |
Tir à l'arc | Bannière neutre | 27/07/2023 | World Archery |
Triathlon | Bannière neutre | 13/04/2023 | World Triathlon |
Voile | Bannière neutre | 23/05/2023 | World Sailing |
Volley-ball | Suspension ou exclusion | 24/06/2023 | FIVB |
3. Position de l’Ukraine
Dans un 1er temps, elle menace de boycotter les JO si Russes et Biélorusses y participent.
Cas de l’escrime (1er sport à annoncer la réintégration des Russes et Biélorusses, le 10/3/23, sans même attendre les recommandations du CIO…) :
La Fédération ukrainienne interdit d’abord à ses escrimeurs de participer aux compétitions qui acceptent Russes et Biélorusses, interdiction ensuite généralisée par le gouvernement à tous les sports, sous peine de sanctions pour leurs fédérations.
Puis la participation à de telles compétitions apparaît tolérée, mais pas dans les disciplines où concourent des escrimeurs russes ou biélorusses (par ex le sabre femmes aux Championnats d’Europe en Bulgarie, en juin, d’où l’absence d’Olga Kharlan), même s’ils respectent en théorie les recommandations du CIO, ou forfait en cas de tirage au sort contre l’un d’eux (ce qui s’est produit aux Mondiaux d’escrime de Milan, jusqu’au décret du 26/7, cf ci-dessous).
Depuis le 26/7 (décret du Ministre des sports ukrainien, Vadym Guttsait), libre choix des fédérations sportives (voire des sportifs individuels, plusieurs faisaient pression en ce sens, dont la sabreuse O. Kharlan), à condition que Russes et Biélorusses respectent les recommandations du CIO, au moins concernant l’obligation de « bannière neutre ».
Mais aucune décision n’aurait été prise sur la participation ukrainienne aux JO en cas de participation russe et biélorusse, selon cette interview de Guttsait (qui semble par ailleurs contredire le décret qu’il a publié le lendemain concernant les compétitions actuelles...)
Pour conclure : notre position sur les JO
Nous notons que le changement de position de l’Ukraine porte uniquement sur les compétitions en cours, et pas sur les JO eux-mêmes. Il permet la qualification des sportifs ukrainiens pour les JO, tout en maintenant ouverte la menace d’un boycott – menace qui n’en serait plus une en absence de tout Ukrainien qualifié.
Par ailleurs, nous estimons qu’il serait anormal de traiter de la même façon les sportifs russes et biélorusses qui se sont activement opposés à leur régime et ceux qui sont simplement restés passifs face à l’agression de l’Ukraine, ou qui ont réussi à effacer les preuves de leur compromission.
Pour nous il s’agit de sanctionner tout un système politico-militaro-sportif, qui remonte jusqu’à Poutine lui-même, et qui est au coeur de son régime : la sportokratura. Tout sportif qui ne le dénonce pas accepte de facto d’en être le propagandiste.
Nous maintenons donc plus que jamais notre demande : pas de Russes et Biélorusses aux JO 2024, sauf rares prises de position contre la guerre et/ou contre le régime, et nous soutenons pleinement les Fédérations sportives qui refusent de réintégrer pour l’instant Russes et Biélorusses dans les compétitions qu’elles organisent.