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Le rouage clé de la déportation dans les territoires ukrainiens occupés

Dans les trois régions du Donbass, de Kharkiv et de Kherson considérées, Russie Unie a considérablement contribué à la planification, la préparation et l’exécution des transferts de population ukrainienne, notamment des enfants, transferts qui sont attestés jusqu’à récemment dans les documents cités. Les actions seront menées par R-U de manière similaire dans la région de Zaporijia ,impliquant notamment Yevgueni Balitsky.


DANS LE DONBASS


Les déplacements de grande ampleur d’enfants débutent dans le Donbass occupé le 18 février soit une semaine avant l’invasion de l’Ukraine du 24 février 2022 et n’ont pas cessé depuis.


La propagande de Russie Unie commence par créer un climat de terreur propice à l’exode massif de la population, prétextant une attaque= imminente par l’Ukraine. 


Le caractère massif des évacuations (plusieurs centaines de milliers de personnes femmes, enfants et personnes âgées) démontre la planification de cette déportation dans laquelle plusieurs documents attestent que les enfants ukrainiens sont une cible prioritaire des occupants russes.


Dès cette époque, les « missions humanitaires » R-U, qui rayonneront à partir des centres de Marioupol sous la houlette de Andreï Turchak, Dmitry Sablin, Denis Pushilin et Artem Turov, sont envisagées comme une extension des services de renseignement d’occupation pour la « collecte d’information » sous couvert d’intentions généreuses.


Terrain d’expérimentation


Après l’invasion du 24 février le plan de R-U sera exécuté de manière similaire dans les territoires conquis. À titre d’exemple, Marioupol, où vivaient 58.000 mineurs de moins de 14 ans en 2021, ne comptait plus qu’environ 10.000 enfants scolarisés à la rentrée 2022. Le siège de Marioupol du 24/02 au 21/05/2022 résulte en un déplacement massif de population.


Le Donbass va devenir un terrain d’expérimentation pour l’ajustement et la mise en œuvre du plan mis en place par R-U. 


À partir du 8 mars, Andreï Turchak et les coordinateurs R-U sillonnent les territoires occupés du Donbass afin d’y installer les « missions humanitaires » R-U, en coordination avec l’administration locale.


Le 28 avril 2022 il annonce la création d’un « quartier général humanitaire pour le Donbass » au sein du Conseil Général de R-U afin de coordonner les missions «humanitaires » de R-U avec les différentes institutions concernées à mesure que l’occupation s’étend et d’harmoniser les législations de la Russie, de la RPD et de la RPL.


De très nombreux mineurs de Marioupol se retrouvent isolés du fait de l’invasion et de l’occupation russe. Ils semblent faire l’objet d’un tri systématique et être rassemblés localement avant d’être envoyés dans des camps (qui joueront un rôle majeur dans le processus de russification) dans les régions de Krasnodar et de Stavropol ou en Crimée.


La région annexée par la Russie en 2014 a ainsi servi de plaque tournante et centre d’accueil lors du transfert des enfants du Donbass et de l’ensemble des territoires occupés. Des rotations entre camps permettent de soustraire ces mineurs aux recherches menées par leurs parents ou diverses organisations.


Une « réhabilitation médicale » expérimentée sur les enfants du Donbass


Les enfants ukrainiens du Donbass et des autres territoires occupés y sont envoyés sous divers prétextes, par exemple pour des vacances loin des zones de combat, sous encadrement d’enseignants, de militaires et de volontaires R-U et JGRU. Les encadrants « familiarisent les enfants du Donbass et des territoires libérés avec la Russie et son histoire » et certains des enfants « reçoivent des passeports russes ».


La réalité de ces camps diffère largement de l’image idyllique qu’en donne la propagande russe : les enfants y subissent des sévices de diverses natures et y reçoivent, avec l’aide de R-U, une « éducation » militaro patriotique intensive, en vue de leur enrôlement futur dans l’armée russe.


La « réhabilitation médicale » constitue un autre prétexte de déportation. R-U annonce le 7 avril 2022 le transfert d’enfants du Donbass à Moscou pour réhabilitation médicale. Poutine décrète l’examen médical de masse des enfants ukrainiens des territoires occupés le 5 octobre 2022 et, après une phase d’expérimentation sur les enfants du Donbass, Anna Kuznetsova annoncera le 17 décembre 2022 un « programme global de réhabilitation » étendu aux enfants de tous les territoires occupés avec l’aval de R-U, de son président Medvedev, et du gouvernement.



La Biélorussie, acteur de la déportation des enfants du Donbass


La Biélorussie a joué une part active dans la déportation et la russification des enfants ukrainiens. Anna Kuznetsova et Artem Turov se sont ainsi réjoui de la déportation d’un millier d’enfants du Donbass en Biélorussie (confirmée par d’autres sources). Ce transfert semble résulter d’un accord entre Vladimir Poutine et Alexandre Loukachenko et aurait été organisé principalement par Dmitri Mezentsev, Secrétaire d’Etat de l’Union Russie-Biélorussie avec le concours de la Croix Rouge biélorusse et de la fondation Alexeï Talaï (fondation caritative biélorusse).

Talaï est considéré par l’UE comme un des principaux acteurs impliqués de cette déportation et de l’endoctrinement qui s’ensuit les enfants étant ensuite « obligés de participer à des programmes éducatifs qui soutiennent activement la propagande de l’État russe ».

Il est possible que Russie Unie ait joué un rôle dans ce transfert, puisque Artem Turov est membre de l'Assemblée parlementaire de l’Union Russie-Biélorussie et intervient dans la coordination pour le Donbass de « l’aide aux orphelins », tandis que Vasily Golubev, membre de R-U, est Gouverneur de la région de Rostov par où ont transité les enfants du Donbass et des autres territoires occupés vers la Biélorussie.


DANS LA RÉGION DE KHARKIV


Si la conquête de la région de Kharkiv n’a été que partielle, jusqu’à la reconquête ukrainienne en septembre 2022, ces quelques mois d’occupation ont été l’occasion d’une répression très violente. L’organisation des missions humanitaires de Russie Unie dans la région de Kharkiv est conforme à celle des autres régions.


Le 8 juin 2022, Artem Turov annonce la création par R-U « de centres humanitaires dans le territoire libéré de la région de Kharkov de l'ancienne Ukraine ». Le premier ouvre le 17 juin à Koupiansk, trois autres suivront à Izioum le 6 juillet ainsi que deux centres de loisirs R-U pour enfants à Koupiansk et Volchansk.


L’objectif est de favoriser l’octroi de la citoyenneté russe et à la russification scolaire. Les volontaires R-U et JGRU sillonnent les villages autour des centres humanitaires et participent vraisemblablement au fichage des résidents et au renseignement en portant, comme dans les autres régions occupées, une attention particulière aux enfants. Comme le revendiquent plusieurs messages Telegram de Artem Turov, ils visitent ainsi avec la police militaire l’orphelinat de Shevchenkovo et l'orphelinat Anna Mozgova.


L’envoi en « vacances » : premier motif de transfert


Malgré la faible durée d’occupation un nombre élevé d’enfants ukrainiens a été transféré hors de la région de Kharkiv. Le premier motif invoqué est l’envoi d’enfants en vacances hors des zones d’insécurité, dont le caractère frauduleux est attesté par le fait qu’ils ne seront pas rendus aux parents restés en territoires libérés après la reconquête.


Le 6 août, un premier convoi de 203 enfants part à Kabardinka en bord de mer près de Krasnodar, l’opération étant prévue pour « plusieurs centaines d'autres enfants de la région de Kharkiv ». D’autres enfants sont envoyés en Crimée, et le 10 septembre, durant la contre-offensive ukrainienne, le chef de l’administration d’occupation du district d’Izioum, Vladislav Sokolov annonce que les enfants d’Izioum et Balakliya resteront à Guelendjik dans la région de Krasnodar où ils ont été envoyés en vacances. Durant cette reconquête de nombreux enfants de la région de Kharkiv sont encore transférés en masse vers la Russie en compagnie de leurs familles, probablement en partie du fait de la propagande et la désinformation constantes auxquelles œuvre R-U.


Artem Turov, qui coordonne l’action des volontaires R-U et JGRU dans la région de Belgorod, rapporte en effet qu’au 15 septembre, 22.000 personnes de la région de Kharkiv, dont de nombreux enfants, sont envoyés vers les centres d’hébergement de la région de Belgorod, mais aussi de Voronej, Penza, Toula, Orel, Lipetsk, Rostov, Samara et Krasnodar. Ils sont pris en charge par les représentants des directions régionales de R-U et par les volontaires R-U et JGRU qui s’occupent de la logistique et de leur obtenir la nationalité russe, au moins jusqu’en avril 2023.



Des transferts médicaux fallacieux


Plusieurs documents indiquent que des mineurs ukrainiens ont été transférés pour raison médicale fallacieuse ou, à la suite d’un transfert peut-être légitime, n’ont pas été rendus à leurs parents, voire ont été adoptés. Cette pratique a connu un développement relativement tardif, ce qui suggère que ce prétexte a été utilisé par la Russie pour poursuivre la déportation de ces enfants dès lors que leur mise à l’abri hors des zones de combat ne pouvait plus la légitimer de façon crédible et cohérente avec la propagande d’une « vie

paisible » russe.

À partir de l’été 2022 ce type de transfert d’enfants, jusqu’ici réalisé de façon sporadique, semble se répandre, inclure des femmes enceintes et bénéficier de nouveaux partenaires stratégiques. Des examens médicaux systématiques sont menés dans les territoires occupés pour trier enfants « malades » et enfants sains.

En effet, de nombreux mineurs placés ou adoptés en Russie de mars à août 2022 se sont avérés être en « mauvaise santé » et beaucoup d’entre eux ont alors été « rendus » par leur famille adoptive. Cette « mauvaise santé » serait dans la plupart des cas un syndrome de stress post-traumatique, peu étonnant au vu des circonstances.

Avec un taux de mineurs « rendus » supérieur à 70 %, le gouvernement russe semble avoir donc décidé, en octobre 2022, de procéder à un filtrage médical en amont, dans les territoires occupés, de tous les enfants candidats à la déportation.


DANS LA RÉGION DE KHERSON


Sous prétexte humanitaire, Russie Unie a mobilisé la puissante « machine à russifier » de l’occupant, à tous niveaux hiérarchiques et sur une vaste étendue géographique, afin de déplacer en masse la population de Kherson et ses environs, en particulier les enfants, par la manipulation, l’incitation financière et la force.


Igor Kastyukevich quitte le Donbass le 13 mars 2022 pour installer la mission humanitaire R-U dans la région de Kherson, où l’avancée de l’armée russe a été foudroyante. Les 26-27 mars 2022, il organise le transfert soi-disant volontaire , et coordonné par R-U qui s’en fait l’écho, de « 170 personnes, dont de jeunes enfants, de Kherson vers la Russie ». Les transferts de population impliquant la mission humanitaire R-U à Kherson débutent donc après un mois d’occupation, en l’absence de combats qui pourraient justifier une mise à l’abri.


En raison de l’hostilité de la population, jusqu’en avril, et même après l’ installation à Kherson début juin de sa mission humanitaire, les convois et tournées de R-U s’y feront toujours sous forte escorte armé.


Fichage et rafles des institutions pour enfants


Ces missions « humanitaires » sont l’occasion pour R-U de procéder à un fichage des résidents dans les territoires occupés et de récolter des renseignements. Igor Kastyukevich et son équipe établissent ainsi « les listes des retraités, des handicapés, de ceux qui ont beaucoup d'enfants ». Cette activité de renseignement va être mise à profit dans la surveillance et la rafle des institutions pour enfants de Kherson.


Sous prétexte humanitaire, il met en place le 6 avril 2022 une surveillance récurrente de l’hôpital pour enfants de Kherson où la médecin-chef s’est opposée à l'administration d’occupation avant sa « disparition ». La surveillance est assortie d’interrogatoires du personnel dont le harcèlement se poursuivra jusqu’à la fin de l’occupation russe. Entretemps, Anna Kuznetsova aura fait transférer en Crimée certains enfants « atteints de maladies chroniques » lors d’une visite d’inspection à Kherson le 14 mai.


Igor Kastyukevich et sa mission humanitaire R-U sont également fortement impliqués dans la traque des « orphelins » (mineurs isolés) de Kherson. Le 26 mars, il participe à une opération au cours de laquelle 58 mineurs isolés de 2 mois à 5 ans, cachés au sous- sol de l’Église du Calvaire de Kherson, sont transférés de force à la « Maison des Bébés », institution pour mineurs isolés de Kherson.


Cette opération est couverte par la presse et les blogueurs russes. Dans une désinformation grotesque, l’appareil de propagande russe soutient que les enfants ont été sauvés d’un trafic d’organe à destination de l’Europe dirigé par la Commissaire aux Droits de l’Enfant d’Ukraine, Lyudmila Denisova. Anna Kuznetsova ajoutant même détenir la preuve qu’il est organisé « en lien avec des compagnies paramilitaires britanniques [payées par] Coca-Cola… ».


La « Maison des Bébés », qui héberge « 53 enfants âgés de 2 ans et plus » est dès lors surveillée sous prétexte « humanitaire » . Lors du retrait russe de Kherson (voir ci- dessous), ces enfants seront transférés à Simféropol en Crimée le 21/10/22.


Lors de ce transfert, Igor Kastyukevich est clairement identifiable en treillis militaire avec un enfant dans les bras. R-U revendique d’ailleurs ce rapt d’enfants en affirmant que « les volontaires du parti ont pris (les enfants) en patronage » et Anna Kuznetsova, Andreï Turchak et Sergueï Aksyonov sont remerciés pour leur aide.


Ces faits concordent avec les témoignages recueillis après la libération de Kherson par la presse internationale qui décrivent un Igor Kastyukevich surveillant en personne les rafles de l’Église du Calvaire et de la Maison des Bébés, ainsi que les efforts déployés par les institutions de Kherson pour cacher les enfants sous la menace constante des forces armées et du FSB, dans un contexte de répression et de torture des opposants, y compris du personnel soignant.


Acharnement sur les enfants handicapés


Si les enfants de la « Maison des Bébés » n’ont pu échapper à la déportation, à l’inverse, la plupart des enfants de l’hôpital ont échappé à ces transferts grâce à la falsification de leurs dossiers par le personnel soignant, ainsi que la plupart de ceux du centre pour mineurs de Stepanivka, en banlieue de Kherson, qui ont été rapidement placés dans des familles de confiance.


Le cas de l’internat pour enfants handicapés de Novopetrivka fournit une autre illustration de l’acharnement des autorités d’occupation envers les mineurs isolés ukrainiens. Le 15 juillet 2022, les enfants de l’internat, accompagnés de la directrice de l’établissement, sont transférés de force au centre pour mineurs de Stepanivka, dont les 53 pensionnaires précédents avaient pour leur part été exfiltrés du centre et cachés par le personnel dans des familles des environs. Le 19 octobre, lors du retrait russe de Kherson, les enfants de l’internat de Novopetrivka sont à nouveau transférés de force à Djankoï en Crimée, d’où ils seront envoyés dans un centre de vacances de la région de Krasnodar. La directrice de l’internat réussira à tromper la vigilance des surveillants du centre et à fuir avec les enfants en Géorgie.


Enfin, toujours sous prétexte humanitaire, R-U mobilise les moyens de l’occupant pour préparer et exécuter le transfert de masse de la population de Kherson et des villages de la rive droite du Dniepr, en particulier les enfants, lors de la retraite des forces russes vers la rive gauche. R-U combine la force, l’incitation financière, l’aide au logement et la promesse de « vacances » pour les enfants qui font suite à une campagne de propagande et de désinformation qui a notamment fait planer la menace d’une attaque au missile contre le barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovskaya. Comble du cynisme et de l’hypocrisie puisqu’il fait peu de doute que l’armée russe soit responsable de l’explosion qui survient dans la nuit du 5 au 6 juin 2023 et que Igor Kastyukevich ait été informé du moment précis de cette opération et de ses conséquences humanitaires dramatiques.



Une stratégie de déportation régionalisée


Vladimir Poutine a pris en mai 2023 un décret intitulé "Stratégie pour la sécurité globale des enfants jusqu'en 2030" - à l’élaboration duquel Russie Unie a activement travaillé, en particulier la « Commission pour la Protection de la Famille, la Maternité et l'Enfance » présidée par Kuznetsova. Si les mesures à mettre en œuvre sont décrites en termes très généraux, il entérine en réalité les pratiques des « autorités régionales » d’occupation et la rééducation militaro-patriotique des enfants ukrainiens par les moyens de leur choix.


Igor Kastyukevich en donne une explication de texte pour la région de Kherson dans laquelle il surveillera son application en tant que secrétaire régional de R-U depuis le 6 octobre 2022. Après avoir précisé que « les autorités régionales élaboreront leurs propres programmes et plans complets », il indique ses cibles prioritaires : « les mères ont souvent abandonné leurs enfants… laissant les enfants sans papiers à leurs grands-mères, voire simplement « sous la garde de leurs voisins » (…) [Ces] mères célibataires dans la région qui, en Ukraine, ont été privées même de la possibilité d'examiner de manière approfondie [la santé de leur] enfant. Sans parler du traitement [médical]. »


Ces propos d’Igor Kastyukevich sont à rapprocher des agissements des prétendues « Commissions pour les droits des mineurs ». D’avril à octobre 2022 elles ont instruit dans les territoires occupés 38.000 dossiers en déchéance de l’autorité parentale au prétexte que les adultes responsables n’assureraient pas un « niveau de vie adéquat » aux enfants. Il s’agit souvent de grands-parents s’occupant d’enfants dont le père a été mobilisé dans les forces armées par l’occupant ou dont la mère travaille en Russie. Ces enfants sont alors placés en institution et de là, transférés en Fédération de Russie.


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